« Bizarre, bizarre ? Comme c’est étrange ! » Étrange, en effet, de voir des vendeurs chinois inonder la plateforme de produits contrefaisants et de lire par ailleurs qu’Amazon déclare la guerre à la contrefaçon. Effet d’annonce ou réelle volonté de lutter contre la fraude ?
Le modèle est efficace : un grand choix de produits, des prix tirés vers le bas, des livraisons rapides. Un modèle si efficace qu’il séduit près d’un Français sur trois (soit 22 millions environ), et représente 20 % du ecommerce français (chiffres novembre 2020 d’après Capital). Mais derrière cette apparente perfection se dissimule un côté sombre que la célèbre plateforme de ecommerce aimerait bien passer sous silence.
55,3 % DE VENDEURS CHINOIS
Impossible de connaître ou même d’avoir une idée du nombre de vendeurs opérant sur Amazon France, en tête du classement des sites de ecommerce, devant la Fnac et Cdiscount (chiffres Fevad 2e trimestre 2020). Alors que dans ses pubs, Amazon revendique les 10 à 11 000 PME françaises qui écouleraient leurs produits sur sa plateforme, une étude du magazine Capital y détecte 55,3 % de vendeurs chinois ! Mais comment les repérer quand nombre d’entre eux se dissimulent derrière des marques à consonance occidentale et en profitent autant pour détourner les lois en s’abstenant de remplir leurs obligations fiscales (TVA notamment) que pour écouler des produits à la qualité douteuse, contrefaits et/ou dangereux. Les exemples ne manquent pas. Dans l’article déjà cité, Capital évoque une étude du Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc) révélant que sur 250 produits électroniques vendus sur Amazon, AliExpress, eBay et Wish, « 66 % d’entre eux ont échoué aux tests de sécurité européens, avec des conséquences possibles telles que des électrocutions, des incendies ou des étouffements ».
UNE GUERRE CONTRE LA FRAUDE, VRAIMENT ?
On pourrait être tenté de le croire : dans le « Brand Protection Report » publié en mai 2021, Amazon déclare avoir « investi en 2020 plus de 700 millions de dollars et employé plus de 10 000 personnes pour protéger sa plateforme contre la fraude et les abus ». Il annonce également la mise en place d’outils de contrôle destinés aux marques, la poursuite des contrefacteurs devant les tribunaux, la destruction de 2 millions de produits et le blocage de plus de 5 milliards d’annonces suspectes avant leur publication. Plus récemment, relate notre confrère Clubic, une chasse aux faux avis aurait permis l’élimination de 600 marques chinoises et de 3 000 vendeurs accusés d’avoir violé la politique de la plateforme.
Mais derrière ces effets d’annonce se cacherait une autre réalité : le système de protection des marques promu par Amazon serait en fait facile à détourner, comme en témoigne l’exemple cité par notre confrère allemand Die Welt. Il suffirait en effet de signaler les produits d’un concurrent comme étant des copies des siens. C’est ainsi que Dirk Oppel, un commerçant allemand, a vu apparaître fin mai 2021, à côté de ses offres sur Amazon Allemagne, l’offre d’un vendeur inconnu. Ce concurrent chinois avait purement et simplement copié l’offre originale, photos et descriptions comprises, en remplaçant le nom de la marque « SFX » appartenant à M. Oppel par le sien et en signalant l’offre originale comme étant une copie. Et, malgré la plainte déposée auprès d’Amazon pour revendiquer la protection de sa marque, M. Oppel « a dû assister, impuissant, à la chute de ses ventes ». Une mauvaise aventure qu’il n’est certainement pas le seul à avoir vécue si l’on en croit une étude menée par l’observateur « Marketplace Pulse » : « les concurrents asiatiques augmenteraient leurs parts de marché grâce à des astuces qui exploitent les algorithmes d’Amazon et iraient à l’encontre des conditions commerciales du groupe ».
CONSEIL D’EXPERT
Il est vrai qu’Amazon a mis en place des procédures de signalement en cas d’atteinte à la marque, au copyright ou au réseau de distribution sélective. Mais ce système « hyper automatisé » laisse peu de place au recours lorsqu’Amazon ne donne pas suite au signalement. En effet, bienheureux celui qui arrive à entrer en communication avec un opérateur puisqu’il n’y a aucun autre moyen de joindre le service juridique de la plateforme. Il n’est donc pas rare de devoir faire un second signalement pour obtenir un résultat. On constate également qu’Amazon se contente parfois de retirer une photo utilisée sans autorisation pour promouvoir un produit, alors que d’autres plateformes retirent tout simplement l’annonce qui en est à l’origine. Par conséquent, faire respecter ses droits sur Amazon est un travail de longue haleine, car non seulement il faut détecter efficacement les fraudes sur la plateforme, mais en plus s’assurer que les signalements transmis seront traités comme il se doit.
Par Raphael TESSIER et Sophie AUDOUSSET pour EBRAND France.