DIGITAL SERVICES ACT : VERS UNE MEILLEURE IDENTIFICATION DES REVENDEURS EN LIGNE ?

Le Digital Services Act ou DSA, accord visant à renforcer la lutte contre la contrefaçon et les contenus illégaux sur Internet afin d’y assurer un environnement plus sûr, peut-il vraiment permettre de mieux identifier les revendeurs en ligne ? On vous explique ce qui va changer pour les GAFAM et autres acteurs sur Internet.

Alors que ce nouveau texte législatif, approuvé le 23 avril 2022, qui s’appliquera aux 27 pays de l’Union européenne ainsi qu’aux entreprises qui y opèrent, devrait entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2024, quelques questions méritent d’être posées.

QU’EST-CE QUE LE DIGITAL SERVICES ACT, dit DSA ?

Définition du DSA

Pour le présenter, rappelons simplement que le Digital Services Act vient réviser et moderniser la Directive européenne sur le commerce électronique de 2000, devenue obsolète. Il définit un cadre législatif européen mieux adapté aux enjeux et défis des années à venir. Le principe phare du nouveau texte tient en quelques mots : « ce qui est illégal hors ligne doit être illégal en ligne ».

Services numériques, vers un durcissement de la réglementation européenne

Ses objectifs, multiples, visent à une plus grande responsabilité des acteurs en ligne, au renforcement de la lutte contre la contrefaçon et les contenus illicites tout en favorisant l’innovation, la croissance et la compétitivité au sein du marché unique, afin d’assurer aux consommateurs comme aux ayants droit la protection de leurs droits fondamentaux sur Internet.
Sont concernés par les nouvelles règles : les services intermédiaires tels que les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), les hébergeurs, les moteurs de recherche, les places de marché en ligne (market place), les très grandes plateformes, les réseaux sociaux… qu’ils soient établis dans l’UE ou en-dehors de celle-ci. Leurs obligations respectives seront cependant proportionnées à la nature des services proposés d’une part et adaptées au nombre d’utilisateurs d’autre part.

DIGITAL SERVICES ACT : QUE VA-T-IL CHANGER ?

Nous nous sommes déjà demandé dans nos pages (CONTREFAÇON : LE DIGITAL SERVICES ACT EST-IL À LA HAUTEUR DES ENJEUX ?) si le DSA était bien à la hauteur des enjeux que pose aujourd’hui la contrefaçon. Il est donc temps de préciser quelles seront dorénavant les règles applicables dans le nouveau cadre défini au sein de l’UE, notamment celles imposées aux plateformes et, au-delà, si ces dernières permettront une meilleure identification des revendeurs en ligne.

Notons que certaines des nouvelles règles s’appliquent à tous, notamment :

  • l’obligation de transparence (communication d’informations)
  • l’adoption de conditions d’utilisation respectant les droits fondamentaux,
  • la coopération avec les autorités nationales à la suite d’injonctions,
  • l’obligation de désigner un point de contact en Europe.

Focus sur les règles applicables aux plateformes : obligations d’information et de veille anti-contrefaçon

Celles-ci viennent bien évidemment s’ajouter aux règles citées plus haut :

  • l’obligation de notification et d’action, dite « notice and action », qui impose aux plateformes de réagir « promptement » dès qu’un contenu illicite est signalé (retrait de ce contenu) ;
  • l’établissement d’un mécanisme de réclamation et de recours ; règlement extrajudiciaire des litiges ;
  • l’obligation pour les places de marché et les plateformes de vérifier l’identité de leurs vendeurs professionnels (« Know Your Business Consumer ») afin d’empêcher l’exercice de toute activité commerciale anonyme et d’assurer une bonne information des consommateurs ;
  • l’obligation de coopérer avec les « signaleurs de confiance », dit « Trusted flaggers », à savoir certaines entités représentant des intérêts collectifs et autorisées au sein de chaque État.
  • la transparence de la publicité en ligne pour les utilisateurs, notamment pour les mineurs (interdiction de leur présenter des publicités basées sur l’utilisation de leurs données à caractère personnel telles que définies dans le droit de l’UE) ;
  • l’interdiction des « pièges à utilisateurs » (« dark patterns ») susceptibles de conduire les internautes à effectuer des actions non souhaitées sur un site au bénéfice de ce dernier ;
  • le signalement des infractions pénales ;
  • la suspension sur les réseaux sociaux des utilisateurs violant « fréquemment » la loi…

Cependant, toutes les plateformes ne sont pas, en tout cas pour l’instant, logées à la même enseigne.

Des sanctions plus sévères à l’encontre des grands acteurs

Des obligations spécifiques visent en effet ce qu’on appelle les « très grandes plateformes » et les « très grands moteurs de recherche », celles et ceux qui comptent plus de 45 millions d’utilisateurs actifs dans l’UE, soit une vingtaine d’entreprises, au nombre desquelles les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) mais aussi Booking, Twitter ou Alibaba…

Parmi ces obligations :

  • l’analyse des risques systémiques liés à l’utilisation de leurs services en vue de les réduire au fur et à mesure ;
  • la transparence accrue de leurs données ;
  • l’audit obligatoire effectué par des organismes indépendants sous la houlette de la Commission européenne (avec à la clé, un risque d’amendes atteignant 6 % des ventes annuelles en cas d’infractions répétées) ;
  • le partage de leurs données avec les autorités.

VERS UNE MEILLEURE IDENTIFICATION DES REVENDEURS EN LIGNE ?

Dans un contexte où les offres de produits contrefaisants se multiplient, l’identification des revendeurs en ligne devrait être absolument primordiale. Or, le DSA n’impose aujourd’hui cette obligation qu’aux seules places de marché, à l’exclusion de tout autre service en ligne et en exonère notamment les réseaux sociaux.
De même, on peut s’interroger sur l’exemption accordée aux plateformes de petite et moyenne taille de certaines des obligations visant à protéger les e-consommateurs. Ce sont pourtant les plus nombreuses, plus de 10 000 sur le marché européen du numérique, estime la Commission européenne.

MISE EN APPLICATION DU TEXTE

À l’heure où nous écrivons, le Digital Services Act n’a pas encore été formellement adopté par les colégislateurs, à savoir la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil européen. Son entrée en vigueur est prévue 20 jours après sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

L’ensemble des prestataires concernés dispose alors d’un délai de 15 mois pour se mettre en conformité avec les nouvelles règles avant leur mise en application, soit au plus tard le 1er janvier 2024. Une exception : les très grandes plateformes et les très grands moteurs de recherche en ligne doivent appliquer les dispositions du Digital Services Act quatre mois après avoir été désignés comme entrants dans la catégorie dite des « très grands », probablement donc bien avant les autres prestataires en ligne.

CONSEIL D’EXPERT

Malgré ses imperfections, le Digital Services Act constitue une « première mondiale » dans le domaine de la réglementation numérique. Il devrait donc, en impliquant et en mobilisant (même à des degrés divers) tous les prestataires concernés par le texte, contribuer à mieux garantir la protection des droits fondamentaux des utilisateurs sur Internet. En ce sens, le Digital Services Act peut être considéré comme un progrès qui obligera, in fine, l’ensemble des acteurs à mettre en place des procédures qui permettront aux citoyens d’avoir un meilleur contrôle sur l’utilisation de leurs données et éviteront aux ayants droit bien des démarches chronophages et/ou coûteuses.

Rappelons cependant que si le Digital Services Act vise à encourager et à faciliter la suppression des contenus illicites sur Internet ainsi qu’à identifier les fraudeurs, il n’a pas, en l’état actuel du texte, vocation à suspendre durablement lesdits contenus pour éviter leur réapparition quasi instantanée sur la toile.

C’est pourquoi nous recommandons fortement la mise en place d’une surveillance systématique d’Internet afin de :

  • détecter les annonces frauduleuses sur l’ensemble des canaux existants : places de marché, réseaux sociaux, App stores, boutiques en ligne (site e-commerce), sites Internet, Darknet… ;
  • analyser les atteintes potentielles et supprimer les contenus illicites ;
  • identifier et notifier les vendeurs en infraction.

Par Raphaël TESSIER et Sophie AUDOUSSET pour EBRAND France.

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