L’industrie des noms de domaine évolue en permanence et de nouveaux usages se dégagent : quelles extensions privilégier pour enregistrer des noms de domaine d’entreprise ? Quelles sont celles qui accusent une perte de vitesse ? Voici les données à prendre en considération pour une bonne gestion de votre portefeuille de noms de domaine.
NOMS DE DOMAINE DISPONIBLES : UN CHOIX À FAIRE PARMI 1600 EXTENSIONS
Selon les récents rapports publiés par les acteurs de l’industrie des noms de domaine, et notamment celui de l’Afnic (le registre du .FR), le nombre de noms de domaine à la fin de l’année 2021 serait d’environ 352 millions (quelques extensions ayant été délibérément exclues de ce décompte en raison de chiffres indisponibles ou peu fiables). Et dans un marché mondial toujours largement dominé par le .COM avec plus de 160 millions de noms (47 % environ du marché), les noms de domaine se répartissent dans près de 1 600 extensions.
Qu’est-ce qu’une extension ?
Votre nom de domaine (ou NDD en abrégé), comme vous le savez, est composé de deux parties séparées par un point. Avant ce point, le nom proprement dit qui correspond à celui de votre société, marque ou produit… Après ce point, se trouve la partie qui désigne l’extension, constituée de quelques lettres, de type .COM, .FR…, qu’on appelle aussi domaine ou TLD (« Top Level Domain », en anglais). On choisit cette extension en fonction des disponibilités du marché, des besoins spécifiques à l’entreprise (implantation, activité…) ou de sa signification même. On distingue en effet plusieurs catégories ou familles d’extensions.
Les familles d’extensions
- Les extensions historiques, dites « Legacy TLDs », créées avant 2012 : il s’agit des .COM, .NET, .ORG, .BIZ, .INFO, .AERO, .ASIA, .CAT, .COOP, .JOBS, .MOBI, .MUSEUM, .NAME, .POST, .PRO, .TEL, .TRAVEL, .XXX. Au nombre de 18, ces extensions représenteraient plus de la moitié du marché des noms de domaine, avec environ 196 millions de noms enregistrés (source : Afnic).
- Les extensions géographiques, dites ccTLDs pour « country-code Top Level Domains » (.DE, .FR, .EU, .IT…). Elles compteraient un peu plus de 130 millions de noms de domaine malgré un recul notable des .CN (Chine) et .TW (Taiwan), l’Europe représentant environ 60 % de l’ensemble. Selon les stratégies marketing adoptées par les registres, il se dessine deux sous-catégories qu’il importe de connaître lorsqu’on définit un périmètre de protection sur Internet :
- Les « vrais ccTLDs », c’est-à-dire les extensions commercialisées pour représenter un pays (.FR par ex.), y pèsent la plus grande part, avec environ 125 millions de noms de domaine ;
- Les « quasi gTLDs » (6,1 millions), des extensions dont l’originalité est d’utiliser des codes pays à des fins génériques : le .TV (Iles Tuvalu – « Télévision »), le .ME (Montenegro – « Moi »), le .CO (Colombie – « Commercial »), le .NU (Ile de Niue – « Nouveau » en suédois), le .IO (Territoires britanniques de l’Océan indien – « Input/Output (Entrée/Sortie)), le .LA (Laos – « Los Angeles ») et le .VC (Saint-Vincent et les Grenadines – « Venture Capitalist »).
- Les nouvelles extensions, dites nTLDs pour « new Top Level Domains », ouvertes depuis 2013. Elles intègrent des extensions génériques, géographiques (correspondant à des noms de régions ou de villes), communautaires (.GAY, par ex.) et de marques, c’est-à-dire les extensions créées par de grands groupes pour leur propre usage (.BNPPARIBAS, .LECLERC, .SNCF…). Avec 29 millions de noms de domaine environ, elles représentent 8 % du marché total.
Dans les trois catégories citées ci-dessus s’ajoutent et se répartissent les 27,4 millions de noms de domaine enregistrés dans les extensions dites « penny TLDs ». Ces extensions « low cost » se rencontrent seulement en Afrique et en Asie-Pacifique où elles sont proposées gratuitement ou à un tarif symbolique pour susciter l’intérêt du public et de certains investisseurs appelés « domainers ». Leur stratégie de vente se traduit par des enregistrements massifs la première année d’achat et un fort taux d’abandon l’année suivante lorsque les noms doivent être renouvelés à un tarif supérieur. Des extensions à intégrer dans un périmètre de sécurité lorsqu’on est une entreprise internationale.
EXTENSIONS DE NOMS DE DOMAINE : QUELLES ÉVOLUTIONS ?
Dans ce paysage en constante évolution se dessinent quelques tendances qu’il importe de connaître avant de procéder à la révision de son portefeuille de noms de domaine et de son périmètre de protection sur Internet. Les variations les plus pertinentes montrent à quel point le marché « dépend » d’un petit nombre d’extensions dans chacun des segments, Legacy TLDs, ccTLDs et nTLDs. Une tendance générale qui résulte d’un double constat : plus d’extensions sur le marché d’une part, mais des budgets noms de domaine revus à la baisse d’autre part. Et lorsque des choix s’imposent, on se concentre sur ce qui est véritablement utile et générateur de profits.
Tendance 1 – La croissance du .COM et le déclin des autres « Legacy TLDs »
Legacy TLD | Million de domaine en 2021 | Var. vs 2020 |
.COM | 163 501 | 5,3 % |
.BIZ | 1 487 | 3,2 % |
.INFO | 4 094 | – 8,1 % |
.MOBI | 324 | -14,7 % |
.NET | 13 702 | 0 % |
.ORG | 11 023 | 2,2 % |
Autres | 912 |
– 7,2 % |
Une constante : le .COM domine toujours largement le marché tant en volume de noms de domaine qu’en termes de croissance. On constate en revanche des situations contrastées avec de mauvaises performances affectant principalement les .INFO et .MOBI, en baisse respective de 8,1 % et 14,7 %, faute de créations. En revanche, le .NET reste stable tandis que le .ORG affiche une progression de 2,2 %.
Tendance 2 – Dans les ccTLDs, un ralentissement des créations de noms mais une réalité contrastée
Les créations dans les différents ccTLDs s’avèrent généralement ralenties en 2021 par rapport à 2020 mais restent cependant à un niveau supérieur à celui de 2019. Après un « décrochage » au second trimestre 2021, la situation s’est stabilisée puis a progressé dans les six derniers mois de l’année. Avec une question : qu’en sera-t-il en 2022 ?
Comme vous pouvez le découvrir dans les tableaux ci-dessous, l’Afnic observe que les dynamiques régionales des ccTLDs reflètent les situations économiques des différentes régions du monde.
L’Asie-Pacifique termine l’année 2021 avec une perte de globale de 14 % en stock, soit 5 millions de noms de domaine environ tandis que la croissance progresse en Amérique latine & Caraïbes (+ 18 %), en Afrique (+ 15 %) et en Amérique du Nord (+ 6 %). Quant à l’Europe, elle renoue avec une croissance positive bien que modeste (+ 3 %) après la « purge » du .UK en 2020 (une des conséquences du brexit).
En termes de parts de marché, l’Europe tire son épingle du jeu avec près de 60 % des noms de domaine déposés dans les ccTLDs, suivie par l’Amérique latine-Caraïbes (10 %) tandis que l’Asie-Pacifique n’en représente plus que le quart au lieu du tiers.
Les variations les plus pertinentes des extensions pays dans les grandes régions du monde
Leur observation permet de montrer que le marché des noms de domaine dans ces régions dépend toujours d’un petit nombre de ccTLDs, notamment :
- En Amérique du Nord, les deux moteurs de la région sont le .CA (Canada), leader avec 3,2 millions de noms de domaine tandis que le .US renoue avec la croissance.
- En Afrique du Sud, le .ZA affiche une croissance de 8 % et affirme sa position de leader, suivi par le .IO (Territoires britanniques de l’Océan Indien et sa croissance de 34 % en 2021, bien qu’il n’y ait plus d’habitants sur ce territoire). Raison pour laquelle ce dernier, commercialisé comme une extension générique, appartient également à la catégorie des « quasi-gTLDs ».
- En Amérique latine & Caraïbes, les 3 ccTLDs de référence sont le .BR (Brésil), avec 26 % de croissance, le .CO (Colombie) avec 11 % et le .MX (Mexique) dont la croissance diminue pourtant de 5 %. Considéré lui aussi comme un « quasi-gTLD », le .CO pourtant commercialisé comme une alternative au .COM, n’a pas obtenu le succès qu’il pouvait escompter.
- En Asie-Pacifique, le .CN (Chine) garde sa position de plus grand ccTLD malgré des pertes importantes tant en 2020 (- 1,7 millions de noms) qu’en 2021 (perte de plus de 5 millions de noms) dû pour partie à la politique de « nettoyage » du registre Chinois mais aussi à la crise du COVID. Le .TW (Taiwan) est lui aussi affecté par une perte de 500 000 noms. En revanche, les autres ccTLDs de la région progressent, notamment le .IN (Inde) dont la croissance atteint 10 %.
- En Europe, les deux « leaders » restent le .DE (Allemagne) et le .UK (Royaume-Uni) avec plus de 10 millions de noms de domaine pour chacun. C’est la France qui connaît la plus forte croissance en 2021 avec + 6 % pour le .FR. À noter que les pertes les plus importantes affectent le .рф (Fédération de Russie, – 37 000 noms), le .SU (Union soviétique, – 40 000 noms) et le .SE (Suède, – 89 000 noms).
Les tableaux ci-dessous illustrent les constatations énoncées plus haut :
Million de domaine en 2021 | Var. vs 2020 | |
AMÉRIQUE DU NORD | ||
.CA | 3,2 | + 6,8 % |
.US | 1,8 | + 5,6 % |
Autres | 0 | + 4,3 % |
Total Amérique Nord | 5 | + 6,3 % |
Million de domaine en 2021 | Var. vs 2020 | |
AFRIQUE | ||
.ZA (Afrique du Sud) | 1,3 | + 7,9 % |
.IO (terr. Brit. Océan Indien) | 0,8 | + 34,3 % |
Autres | 0,7 | + 11,9 % |
Total Afrique | 2,8 | + 15,2 % |
Million de domaine en 2021 | Var. vs 2020 | |
AMÉRIQUE LATINE & CARAÏBES | ||
.BR (Brésil) | 4,8 | + 26,1 % |
.CO (Colombie) | 3,2 | + 11,2 % |
.MX (Mexique) | 1,3 | – 5,0 % |
Autres | 2,1 | + 32,0 % |
Total Amérique latine | 11,5 | + 18,3 % |
Million de domaine en 2021 | Var. vs 2020 | |
ASIE – PACIFIQUE | ||
.CN (Chine) | 13,8 | – 27,1 % |
.AU (Australie) | 3,4 | + 5 % |
.IN (Inde) | 2,6 | + 10,0 % |
.JP (Japon) | 1,7 | + 3,9 % |
.IR (Iran) | 1,5 | + 8,2 % |
.KR (Corée du Sud) | 1,1 | + 1,3 % |
TW (Taïwan) | 1,0 | – 30,4 % |
Autres | 5,8 | + 2,3 % |
Total Asie-Pacifique | 30,9 | – 13,6 % |
TLD > 2 M NDD | Million de domaine en 2021 | Var. vs 2020 |
EUROPE | ||
.DE (Allemagne) | 17,2 | + 2,8 % |
.UK (Royaume-Uni) | 11,1 | + 2,1 % |
.NL (Pays-Bas) | 6,2 | + 2,0 % |
.RU (Russie) | 5,0 | + 1,1 % |
.FR (France) | 3,9 | + 5,8 % |
.EU (Union européenne) | 3,7 | + 0,9 % |
.IT (Italie) | 3,5 | + 2,2 % |
.PL (Pologne) | 2,6 | + 2,2 % |
.CH (Suisse) | 2,5 | + 4,1 % |
Autres | 19,2 | + 3,7 % |
Total Europe | 74,7 | + 2,8 % |
Tendance 3 – Les nTLDs, à la recherche de leur marché ?
Les nouvelles extensions, dites nTLDs (« new Top Level Domains »), après un mouvement ascendant qui leur a permis d’atteindre 35 millions de noms de domaine en avril/mai 2020, a connu ensuite une décroissance accélérée à partir d’octobre 2020, en raison de la « purge » du .ICU (I see you – Je vous vois). La baisse s’est poursuivie au 1er semestre 2021 avant une reprise de la croissance à partir de l’automne. Un indice positif ?
L’Afnic souligne cependant que « la dynamique du segment des nTLDs transparaît dans le différentiel entre la part en créations et en stocks : tant que cette part est supérieure dans les créations, le segment est en développement. Si la configuration s’inverse, on pourra craindre une contraction des créations, source d’asphyxie pour les nTLDs ». Le taux de maintenance (renouvellement) assez faible de ce segment, 39 % contre 79 % pour les « Legacy TLDs », explique en effet la difficulté des nouveaux TLDs à s’imposer en termes de parts de marché.
CONSEIL D’EXPERT : RENOUVELER OU PAS UN NOM DE DOMAINE ?
Le renouvellement des noms de domaine déjà utilisés
Quatre raisons principales motivent le renouvellement ou non d’un nom de domaine :
1. le nom est utilisé (site Web, site de vente en ligne…) et donc important pour son titulaire ;
2. le titulaire veut conserver ce nom même s’il ne l’utilise pas actuellement (projet en cours, conviction que le nom prendra de la valeur…) ;
3. pour protéger ce nom parce qu’il correspond à une marque (dépôt défensif) ;
4. parce que le titulaire renouvelle ses noms de domaine sans se poser de questions sur l’intérêt de l’opération ou sur son coût.
Les deux premières raisons sont les plus déterminantes dans le processus de décision. Les deux suivantes, dans un contexte où les budgets sont souvent revus à la baisse, sont l’opportunité, voire la nécessité, de réaliser un arbitrage afin de faire des économies en réduisant les coûts. Il convient donc de limiter les créations dans les extensions présentant un intérêt relatif ou peu de risques, notamment celles qui sont moins connues des utilisateurs (lire notre article à ce sujet : renouveler ou pas un nom de domaine ?).
Lutter contre le phishing et les cyberattaques potentielles : l’importance de la surveillance
Rappelons que la meilleure alternative au dépôt défensif reste la surveillance des noms de domaine. Elle permet d’identifier les enregistrements frauduleux dès leur détection et d’agir rapidement lorsqu’ils représentent une menace réelle et sérieuse pour l’activité de l’entreprise (lire notre article à ce sujet : anti-phishing : quelle stratégie pour pister les noms de domaine frauduleux).
N’oublions pas en effet que les tentatives de phishing continuent à se multiplier. En effet, 85 % des entreprises en auraient été victimes en 2021, alors qu’une sur deux seulement le déclare. Pour ne citer qu’un exemple récent, celui du site de l’Assurance Maladie, Ameli, où les données personnelles de plus d’un million de Français auraient été mises en vente sur le Web…
Par Raphaël TESSIER et Sophie AUDOUSSET pour EBRAND France.